Depuis l'union sacrée du 11 janvier 2015, les avis divergent quant au principe de laïcité. Certains estiment qu'elle est en danger dans la République française, alors que pour d'autres il faut la refonder.

 

Depuis 1905, le mot laïcité est entendu... Il met en évidence la séparation entre les actions qui appartiennent à la sphère publique et celles, surtout religieuses, qui font référence à la sphère privée. La promotion de la laïcité était entendue car le modèle religieux judéo-chrétien était le modèle de référence. Avec l'émergence d'autres religions en France, la séparation entre les sphères publique et privée de la laïcité pose problème. Les préceptes de l'Islam ne sont pas divisibles, il n'y a pas un Islam appartenant à une sphère privée qui regarderait un autre Islam fonctionnant dans la sphère publique et qui, au nom d'une promotion du concept du "vivre-ensemble", obligerait l'Islam à une mutilation théologique. Les deux aspects de l'Islam cohabitent: les sphères privée et collective vont ensemble. Il y a donc un problème et une incompréhension. Comment concilier ces deux aspects? Quel type de réponse adéquate la République peut-elle apporter à cette difficulté qui n'est pas que théorique, mais qui engage aussi la vie de nos compatriotes musulmans dans la République française ?

 

Je suis catholique, je suis ouvert à mes compatriotes musulmans et, au nom de la laïcité et de la citoyenneté, j'ai tout à fait le droit, comme d'autres, de discuter des faits religieux et non seulement d'une religion dans notre société. Quand on écoute les uns et les autres, on entend des voix qui nous disent que le problème religieux dans notre société est celui de l'Islam. Qu'on me permette d'en douter. L'Islam est une religion neuve en France par rapport au judaïsme et au christianisme, les combats autour de la laïcité n'ont pas tout de suite été pris en compte par l'Eglise catholique malgré la loi de 1905. Le culte protestant est, de nos jours, extrêmement divers avec de nombreux courants évangéliques qui ne reconnaissent pas tous leur appartenance à la fédération protestante. La création d'une organisation musulmane qui remplacerait le Conseil du culte français musulman est une bonne chose institutionnelle, nécessaire mais insuffisante. Nécessaire car le dialogue serait ainsi créé avec les autorités de la République qui valorisent un Islam à la française, insuffisante car la pratique de l'islam ne se découpe pas entre sphère privée et sphère publique. Nous passons d'une analyse institutionnelle à une analyse sociétale qui exige plus d'approfondissement sur la manière de construire un Islam à la française.

 

On peut se demander pourquoi l'Islam de France doit réaliser en très peu de temps ce que d'autres religions ont mis des siècles à accepter. Ce n'est pas un jugement mais une remarque analytique qui doit favoriser le débat pour des solutions constructives.

 

Nous sommes au milieu du gué et il semble exister en France deux conceptions de la laïcité, l'une très fermée et l'autre plus avenante et libérale. Le non-respect des principes de la première forme de la laïcité (rigoriste) entraine des crispations en faisant resurgir ce qui existait hier, un courant antireligieux, anticlérical, et qui devient aujourd'hui antimusulman. La laïcité libérale exprime une forme de tolérance, or, assez paradoxalement, cette tolérance conduit à la mise en place des zones communautaristes.

 

Le "vivre-ensemble" nécessite que chaque individu, chaque communauté, chaque homme et femme, quelque soit sa religion, fassent un pas vers l'autre pour faire peuple. C'est à ce prix que se construit la République.

 

La République est un espace public qui ne doit pas valoriser ou favoriser les communautés qui, assez paradoxalement, existent de manière sociétale. Il faut éviter les crispations à cause des signes communautaires. Nous voici au début des difficultés d'une laïcité républicaine qui ne soit ni rigoriste, ni libérale, mais qui est à construire. C'est la laïcité fraternelle et républicaine.

 

Voilà l'enjeu pour demain et pour la République.